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Rédaction

Les niveaux de violence

Mark Waid déclarait, il y a plusieurs mois : « Writing evil and writing violence are, if you’re clever and do it right, can be two entirely different sets of visuals. » Dans le même élan, Waid se sentait désolé d’avoir tué certains des personnages qu’il avait créés (DC Comics: Allegations of Editorial Strong-Arming in the Old 52, Russ Burlingame, comicbook.com, 26 août 2012). Sans rien excuser, nous voyons différents niveaux dans le décès de personnages. Au niveau le plus bas de la pyramide, il y a la chair à canon, soit les hommes de main interchangeables qui sont régulièrement éliminés ou capturés. Ces personnages sont complètement anonymes. Leur anonymat fait en sorte que leur décès n’a pas de répercussion, puisqu’ils n’ont pas réellement vécu aux yeux du lecteur. Viennent ensuite les méchants, dont la mort se veut le châtiment ultime pour leurs méfaits. Les agneaux sacrifiés, nous posent davantage de problèmes, car ils sont amenés dans le récit pour provoquer une réaction du héros; leur disparition veut produire un effet dramatique. Dans certains récits, comme les films de James bond pour ne pas les nommer, ces personnages sont tellement prévisibles que l’on décide de ne pas s’y attacher. Finalement, il y a le décès, naturel ou non, de personnages dont la mort représente l’aboutissement même du personnage. La violence est une chose, faire évoluer un personnage en est une autre, et ce, même si cela nécessite la mort d’une personne de son entourage.

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Les bandes dessinées américaines dans les années 1970

Beaucoup de gens portent un jugement sévère sur les auteurs américains des années 1970. Alain Moore était l’un des plus farouches critiques du début des années 1980 (Alan Moore’s Lost Stan Lee Essay, 1983, partie 2 de 2). Pour notre part, nous considérons le Silver Age de la bande dessinée comme une période où les différents éléments sont bien dosés. En effet, les dialogues n’étaient pas surabondamment explicatifs, les encadrés descriptifs offraient un autre niveau de lecture aux histoires et on n’avait pas sombré dans l’hyperpsychologisation des personnages. Voici une page du numéro 200 des Fantastic Four écrit par Marv Wolfman où l’on retrouve l’équilibre dont nous parlons.

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La collaboration entre l’écrivain et son dessinateur

Nous avons déjà parlé de la complémentarité entre les mots et le dessin, mais ces échanges peuvent être encore plus profonds. Prenons, par exemple, la collaboration entre Frank Miller et David Mazzucchelli dans la série Daredevil au cours des années 1980. Nadel indique « Daredevil as his life is dismantled by his nemesis, The Kingpin. He loses faith in himself and the world, then regains it. Miller conceived the story and then he and Mazzucchelli collaborated very closely, as described by the artist in his unexpectedly candid and moving introduction:  “his is why we chose not to separate the credits into writer and artist; because although technically I did no scripting and Frank did no drawing, I was contributing ideas for plot, characterization, and storytelling (such as the succession of title pages charting Matt’s descent), while Frank was describing the contents of each panel in his scripts.” » (« Some Thoughts on David Mazzucchelli’s Daredevil: Born Again Artist’s Edition », Dan Nadel, www.tcj.com, 27 août 2012).

Ainsi, notre collègue, Michel Lamontagne, nous a lancé une idée : écrire une aventure, mais du point de vue des méchants. Nous avons trouvé le concept très intéressant et avons élaboré une aventure dans ce sens : « Blitzkrieg ». Cette aventure permettait de mettre un visage sur des personnages, souvent anonymes, et de voir les répercussions humaines des assauts du Black Orchestra.

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L’art de la soustraction

Matthew E. May considère que « The art of limiting information is really about letting people write their own story, which becomes much more engaging and powerful because they’ve invested their own intelligence and imagination and emotion ». (« Want To Spark Innovation? Think Like A Cartoonist », Matthew E. May, www.fastcompany.com, 15 octobre 2012).

Instinctivement, nous cherchons à retirer de l’information pour laisser le lecteur faire son propre scénario, en espérant que le lecteur s’imagine des réactions similaires à celles que nous désirons produire. Par exemple, dans cette scène, nous aurions pu ajouter des tas de dialogues intérieurs pour Valasquez, mais nous avons préféré laisser des espaces blancs. En fait, nous aimons en écrire le moins possible si nous le pouvons.complement65

Respecter ses personnages

Voici ce que Sara Lima déclarait au sujet de PowerGirl : « There’s nothing wrong with Power Girl’s old costume. I really felt it was okay for PG to show cleavage with the hole in her suit if it meant that in her comic she would be treated with a certain level of dignity; which is what we had in Jimmy Palmiotti and Justin Gray’s self-titled POWER GIRL series. I would argue that Power Girl is more « cheesecake » now than ever before, and it’s getting ridiculous. The fact that her suit is torn to shreds in every issue seems to be some kind of running joke — and it’s getting really tired. It feels like the writer doesn’t have respect for the character. What other purpose does her character serve aside from being there to get naked? It feels tawdry. For whatever reason, rather than giving PG her old costume back, someone feels it’s more interesting to tear up her new one. » (« What’s Wrong With The Huntress And Power Girl In The ‘New 52’? », Sara Lima, 18 octobre 2012, www.comicvine.com).

Ce que nous aimons dans cette tirade, c’est l’utilisation du mot dignité. Il faut, en effet, consentir une forme de respect à nos personnages. Non pas juste pour éviter les running gags à leur endroit, mais également pour respecter leurs actes, surtout les plus répréhensibles. Ceci ne signifie pas que l’auteur les approuve, mais simplement qu’il ne peut pas les éviter s’ils sont cohérents avec la nature du personnage qui a été créé.

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Les conseils pour la rédaction – Partie II

Tout le monde donne des conseils pour la rédaction des récits. Miranda Parker fait, à notre avis, une recommandation judicieuse : « At the same time, don’t give yourself away. If you don’t know, don’t go there. My rule of thumb is, if I don’t know something without looking it up, I’m usually better off working around it. When you drop in undigested research morsels, the reader can feel it in his teeth. » (« Don’t Write What You Know. Write Like You Know », Miranda Parker, J. Mark Bertrand, thethrillbegins.blogspot.ca, 20 septembre 2012).

Pendant des mois, nous avons cherché une maladie pour Cordo, quelque chose d’incurable, qui dégénèrerait relativement rapidement, mais dont on pourrait ralentir la progression. Nous n’avons rien trouvé de concluant, nous avons donc préféré garder un flou sur cette maladie plutôt que de nous empêtrer dans des explications oiseuses. En bout de parcours, nous ne croyons pas que le récit en souffre.

Incohérences et récit

Nous avons déjà évoqué les incohérences que l’on peut laisser volontairement dans un scénario pour accentuer certains effets de mystère ou simplement de vraisemblance. Après tout, nous ne nous comportons pas toujours de façon logique. Il y a d’autres incohérences qui ne sont pas toujours volontaires. Darren, dans son analyse du personnage Goldfinger, du film du même nom, constatait : « Like a lot of Goldfinger’s actions over the course of the film, one wonders why he didn’t just ask Oddjob to remove the gold from the car before he crushed it. After all, Solo was dead and unlikely to complain. Perhaps, like the rest of Goldfinger’s somewhat contradictory actions, it just allows the man to show off, feeding into his desire for attention and his demands for respect. Perhaps he just gets a giddy thrill at the idea that his gold blocks have mingled with a mushed-up gangster. » (A View to a Bond Baddie: Auric Goldfinger, Darren, them0vieblog.com, 4 octobre 2012).

On retrouve le même type d’analyse sur la page francophone de Wikipédia au sujet du film « Il était une fois dans l’Ouest » où on se questionne sur le sens de la blessure du personnage interprété par Charles Bronson. Une des hypothèses avancées serait que le scénario n’a pas été bien compris au moment du montage.

Dans la case reproduite ci-dessous, tirée de notre aventure « Un homme à abattre », on voit que Chad se relève, mais il fait dos à l’action alors qu’il aurait dû y faire face. Ici, bien qu’il y ait eu plusieurs étapes de production, cela nous a échappé.complement66

Compression et décompression

« We don’t often spend enough time on ramifications in mainstream comics, so here was a place to build a whole storyline around them. », commentait Ed Brubaker dans une entrevue qu’il accordait (« The Ed Brubaker ‘Captain America’ Exit Interview », David Brothers, comicsalliance.com, 1er Novembre 2012).

Cette affirmation nous a rappelé l’analyse de Renaud Pasquier (« “Homeland” met en scène le nouveau Jack Bauer de l’Amérique parano », Le Nouvel Observateur, 29 septembre 2012) concernant la première saison de la série Homeland : « Or, le récit ne va nullement s’engager, comme on pourrait s’y attendre, dans une enquête menée tambour battant, scandée par le tic-tac fatidique de l’horloge. Ce qui donne son rythme à la fiction, c’est un temps, non pas extérieur et mécanique, mais intime et organique. Le temps, irrégulier et non linéaire, du vécu; le temps des soupçons, des doutes et des hésitations; le temps des émotions, des réflexions et des souvenirs; mais aussi le temps des délires. »

Dans une entrevue avec Mark Waid, Tom Spurgeon utilisait l’expression « décompression » pour parler du style d’écriture de cet auteur (Interview # 22 – Mark Waid, www.comicsreporter.ccom, 10 janvier 2013). On aime l’image. Pour notre part, nous suggérerions plutôt une analogie avec un accordéon : il faut laisser de l’air entrer dans l’instrument (décompression) pour produire des sons (compressions). Si nos aventures ne sont que dans le mode action (compression), elles ne respirent plus, on n’a plus le temps de comprendre nos personnages, leurs doutes, leurs motivations, leurs évolutions. Compression/décompression, c’est notre recette.

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Les idées flottent dans l’air – Partie III

Nous commençons nos aventures en présentant le visage et les noms de nos protagonistes afin d’aider le lecteur à identifier les acteurs du récit, mais aussi parce qu’ils pourraient légèrement changer selon le dessinateur qui anime l’aventure. L’autre bénéfice de cette approche est d’éviter de prendre des cases pour présenter les personnages à nouveau, et ainsi privilégier les échanges plus directs entre eux. En lisant récemment un des volumes de la série Queen & Country de Greg Rucka (histoires développées par Rucka à la fin des années 2000), nous avons remarqué qu’un procédé similaire y était utilisé.

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Parlons maintenant du dernier James Bond, dans lequel l’arme de l’espion est inactive si les empreintes digitales ne correspondent pas à son propriétaire. Nous avons utilisé ce stratagème, et ce, bien avant d’avoir vu Skyfall dans notre récit Diviser pour régner où Grant a recours à un procédé similaire pour son arme.

Ce que nous essayons de mettre en évidence ici est que des idées peuvent être utilisées par plusieurs auteurs, sans forcément avoir été copiées. Ceci se fait par hasard, simplement parce qu’elles flottent dans l’air du temps et que deux auteurs peuvent les avoir captées à des moments différents sans en avoir conscience.complement64

Les idées flottent dans l’air – Partie II

Une discussion a eu lieu sur le Web concernant les « emprunts » d’Alan Moore pour une aventure de Superman qui s’inspirerait de la série Superfolks  développée par Grant Morrison. Dans cette analyse, l’auteur avance l’idée qu’inconsciemment Alan Moore y aurait puisé les idées qui l’auraient marqué plusieurs années auparavant (« Alan Moore and Superfolks Part 2: The Case for the Defence », comcisbeat.com, 11 novembre 2012). Dans notre récit « Les meilleurs amis du monde », Benson commente le décès à venir de son père. Ce n’est que plusieurs mois après l’avoir écrit que nous nous sommes rappelé l’inspiration de cet échange. Il provient d’une nouvelle du recueil de Daniel Poliquin, Le Canon des Gobelins.

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