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Télé et cinéma

L’interprétation de Captain America

On le répète et on le confesse, Captain America était (ou est encore), notre super-héros préféré. En voyant le premier film que Marvel lui a consacré, on avait un malaise de le voir se promener avec un pistolet, mais on n’arrivait pas à clairement définir cette perception. Nous sommes tombés sur cette interprétation de Chris Sims et nous sommes parfaitement d’accord avec son analyse :

« One of the things I really like about this story is how much importance Kirby puts onto the idea of Cap’s shield as a symbol. I love that, because it underscores one of my favorite things about the character: He’s a soldier who doesn’t carry a gun. He carries a shield, because he exists to protect and defend people against the forces that would hurt them. It’s one of the most elegant ideas in comics, and something that I think really plays into Kirby’s idealized vision of what America should be […] It’s a big symbol, and in Cap’s view — and Kirby’s — that symbol has a lot of power. » (Chris Sims, «Ask Chris #156: KILL-DERBY!», July 5, 2013, http://comicsalliance.com.)

Quand on lit ce genre d’analyse, on se demande si les concepteurs ont eu toutes ces idées de façon explicite ou si elles étaient inconscientes et ne demandaient qu’à émerger. Ensuite, on constate que le second film sur Captain America (The Winter Soldier) est plus cohérent avec cette définition du personnage.

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Un fanatisme en remplace un autre

Nous avons déjà parlé du film Zero Dark Thirty, mais, il y a quelques mois, nous sommes tombés sur une critique du DVD. L’auteur du film parle de Maya, l’héroïne du film. Il mentionne : « Her fanatical pursuit of Bin Laden helps to neutralise ordinary moral qualms. ». Il ajoute : « This awareness of the torturer’s hurt sensitivity as the (main) human cost of torture ensures that the film is not cheap rightwing propaganda: the psychological complexity is depicted so that liberals can enjoy the film without feeling guilty. This is why Zero Dark Thirty is much worse than 24, where at least Jack Bauer breaks down at the series finale. » Nous trouvons très intéressant l’idée qu’une forme de fanatisme puisse être annihilée et remplacée par une autre, mais, surtout, que des rebondissements dramatiques permettent au spectateur de se détacher de conflits qui devraient normalement l’affecter. (Slavo Zizek, « Zer Dark Thirty: Hollywood’s gift to American Power », The Gardian, Vendredi 25 janvier 2013).

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La course d’obstacles de rebondissements dramatiques

Il y a quelques mois, le petit écran diffusait les épisodes de la série « Strike Back », qui ressemble beaucoup, selon nous, à la série 24. Plus nous regardions d’épisodes et plus nous constations que les scénaristes étiraient l’intrigue pour se rendre à 12 ou 24 épisodes. La nécessité de créer des rebondissements pour maintenir l’intérêt au lieu de miser sur une trame plus dense a eu pour effet de faire prendre à l’aventure la forme d’une course d’obstacles. Nous ne disons pas qu’il s’agit là d’une mauvaise télé, au contraire, c’est agréable à regarder, mais l’on sent que le potentiel aurait pu être exploité de façon plus convaincante.

Dans le même ordre d’idées, le scénario de notre aventure « La plongée intérieure », dont le titre original était « La course contre la montre », présentait une tout autre première mouture. Le scénario n’était pas encore terminé qu’il comptait déjà 95 planches, car nous l’écrivions en suivant cette logique de course d’obstacles : un premier événement menant à un second, etc. Cependant, plus nous avancions dans notre récit et moins il semblait fonctionner. Nous avons donc éliminé beaucoup de choses pour ne conserver que les éléments essentiels : les montres qui peuvent avoir une signification, le gadget qui produit un mur de protection invisible et Fabien qui fait cette étrange rencontre mystique avec ses collègues décédés. Au final, nous avions un récit beaucoup plus court, plus direct et qui, à notre avis, est plus plaisant.

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La construction d’un personnage

La construction d’un personnage devrait se faire par une couche successive de petites touches de couleurs. Naturellement, cette formule demande du temps et de la patience de la part du lecteur et une volonté de ce dernier de souhaiter explorer le personnage. En reprenant des passages de l’analyse de Darren sur le film Zero Dark Thirty, voici ce que l’on retrouve sur l’un des personnages : « The “enhanced interrogation” in the film is mostly conducted by Dan, the CIA operative played by Jason Clarke. Clarke is not a low-level army officer. He’s a veteran CIA officer. He keeps (and feeds) monkeys. He has a PhD and is characterised as quite intelligent. He uses words like “tautology”, and it’s clear that he has some idea what he is doing. While he manipulates those people in his custody, he is consistently portrayed as level-headed and rational. He’s not an angry sadist lashing out some pent up frustration or aggression at a hapless victim. » Il ajoute : « He might be smart, and he might be educated, but it’s clear that he has been tainted by what he is doing. Mid-way through the film, he opts to get out of the torture unit. And he complains about the death of his monkeys. It’s a moment that exists to make his priorities clear. This is a man who routinely tortures and causes suffering to human beings. At the end of it all, however, the only sympathy he has is for a bunch of monkeys. » (« Who We Are In The Dark: Zero Dark Thirty & Torture… », Darren, them0vieblog.com,21 janvier 2013). Cette analyse est plutôt déductive, car il n’y a pas de grandes scènes explicatives où le personnage explique ses états d’âme, le spectateur doit y aller de ses propres interprétations.

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Incohérences et récit

Nous avons déjà évoqué les incohérences que l’on peut laisser volontairement dans un scénario pour accentuer certains effets de mystère ou simplement de vraisemblance. Après tout, nous ne nous comportons pas toujours de façon logique. Il y a d’autres incohérences qui ne sont pas toujours volontaires. Darren, dans son analyse du personnage Goldfinger, du film du même nom, constatait : « Like a lot of Goldfinger’s actions over the course of the film, one wonders why he didn’t just ask Oddjob to remove the gold from the car before he crushed it. After all, Solo was dead and unlikely to complain. Perhaps, like the rest of Goldfinger’s somewhat contradictory actions, it just allows the man to show off, feeding into his desire for attention and his demands for respect. Perhaps he just gets a giddy thrill at the idea that his gold blocks have mingled with a mushed-up gangster. » (A View to a Bond Baddie: Auric Goldfinger, Darren, them0vieblog.com, 4 octobre 2012).

On retrouve le même type d’analyse sur la page francophone de Wikipédia au sujet du film « Il était une fois dans l’Ouest » où on se questionne sur le sens de la blessure du personnage interprété par Charles Bronson. Une des hypothèses avancées serait que le scénario n’a pas été bien compris au moment du montage.

Dans la case reproduite ci-dessous, tirée de notre aventure « Un homme à abattre », on voit que Chad se relève, mais il fait dos à l’action alors qu’il aurait dû y faire face. Ici, bien qu’il y ait eu plusieurs étapes de production, cela nous a échappé.complement66

Les commentaires des fans

Dans une entrevue qu’il accordait au magazine Internet The Beat, Bill Jemas, fondateur de la société 360eps et ancien membre de l’équipe Marvel, déclarait : « You can be more creative for less money and less time with better feedback with comics than in any medium I’ve ever been around.» (« Interview: Former Marvel COO Bill Jemas tells us how to wake the F#ck up », comicsbeat.com, 13 septembre 2012). Marc Alan Fishman va dans le même sens lorsqu’il affirme qu’il a pu gérer les risques de ses projets créatifs en écoutant les commentaires de ses vrais fans (« Everything We Do, Wo Do it For You », Marc Alan Fishman, comicmix.com, 27  octobre 2012).

Sans nier la valeur des commentaires reçus, il faut savoir discerner les changements que l’on fait pour améliorer le produit et les changements que l’on effectue uniquement pour plaire à nos lecteurs. À ce sujet, Jesse Alexander disait, à propos de la troisième saison de la série télé Alias, définitivement la plus mauvaise saison de la série : « […] and we’d change up things a little based on on viewers reactions to certains things. But because we didn’t have any chance to deal with that the year [season four], we’ve been operating in a vacuum where we’ve really been free to craft a story without any outside influence. I think that’s probably helped us stay focused on our goal for the end of the year. » (« Revelations », Alias –The offocial Magazine, vol. 1, n° 10, mai-juin 2005, p.64-65.)

L’idée n’est pas de rejeter les commentaires des lecteurs, au contraire. Mais, si l’on écrit, c’est que l’on a quelque chose à dire. À ce propos, Mark Waid disait : « Il faut chercher à se plaire à soi-même. Naturellement en fin de parcours, si votre travail est lu par plusieurs autres personnes, cela dépend plus ou moins de vous » (Interview # 22 – Mark Waid, www.comicsreporter.com, 10 janvier 2013).

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Gérer vos concepts

François Cardinal commentait le film Promised Land pour lequel il écrivait sur son blogue : « j’ai simplement eu la confirmation de ce que je pense depuis longtemps : l’écologie fait rarement de bonnes œuvres, tout simplement parce que les convictions de l’auteur prennent toute la place aux dépens du récit.  » (« Terre promise : quand la fiction se met au service de l’écologie… », lapresse.ca, lundi 7 janvier 2013). Burlingame, citant de nombreuses règles d’écriture, indiquait : « Give your characters opinions. Passive/malleable might seem likable to you as you write, but it’s poison to the audience. » (Pixar and Joss Whedon’s Rules For Writers, Russ Burlingame, comicbook.com, 8 décembre 2012).

Nous sommes parfaitement en accord avec ces deux premières affirmations. Nous estimons, en effet, que donner son opinion par l’entremise de ses personnages fait disparaître la fiction au profit de l’essai, qui est nettement un autre genre littéraire. Il y a aussi une forme de fraude vis-à-vis du lecteur à qui on promet un moment de détente alors que l’on tente, lentement, de lui laver le cerveau avec nos lubies. 

Par ailleurs, nous croyons que la manipulation des concepts doit se faire tout aussi délicatement dans une œuvre de fiction. Ainsi, dans son analyse du film Dark Knight Rises, Sebala souligne que « The Dark Knight Rises suffers so mightily because it substitutes twists for character arcs, convenience for hard choices and flashbacks for discernible themes ». (Sound and Fury: ‘The Dark Knight Rises’ Against Theme and Story, Christopher Sebela, comicsalliance.com, 27 juillet 2012). Ainsi, nos bonnes idées peuvent venir écraser notre histoire au détriment de nos personnages et du récit que nous souhaitons poursuivre.

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Émailler le récit d’événements afin de créer une réelle avancée

Il y a quelques mois, nous regardions le quatrième volet de la série Mission impossible et nous ne pouvions que nous demander, de scène en scène, « pourquoi? ». Pourquoi chaque opération qui devait faire progresser la mission de l’équipe tournait-elle à l’échec? Pourtant, par un retournement, souvent possible au départ, l’équipe aurait été en mesure d’atteindre le but qu’elle s’était fixé. Par exemple, bien que la mission d’envahir le Kremlin pour découvrir l’identité du criminel échoue, le grand patron vient révéler l’identité du méchant que l’on recherchait. On peut alors se poser la question : pourquoi prendre un chemin si long alors qu’un raccourci est disponible? On comprend toutefois le défi du scénariste qui doit construire une aventure ayant une certaine durée. Mais faire tant de circonvolutions ne nous semble pas être une bonne façon pour créer un bon suspense. Comme le disaient les directives de la rédaction de Pixar : « qu’un personnage tombe par hasard dans une situation problématique, c’est de bonne guerre, qu’il s’en sorte par hasard est vraiment ennuyant » (Pixar and Joss Whedon’s Rules For Writers, Russ Burlingame, comicbook.com, 8 décembre 2012).

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Les références dans l’aventure « Un homme mort »

Dans cette aventure, le duel sur la plage entre Jason et Tucker se déroulant au coucher du soleil est directement inspiré d’un combat similaire dans le film de Steven Soderbergh (Haywire) entre Gina Carano et Ewan McGreggor.

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Quel ton adopter

Corey Schroeder nous rappelle que : « Fast-forward to the 90s and you’ve got a new kind of Batman. Watchmen and The Dark Knight Returns have reinvented superheroes as real people with real flaws in the midst of stories that treat the audience’s intellect with maturity. » (« Are Superhero Comics Too Serious », www.comicvine.com, 14 septembre 2011). Chris Sims va plus loin que ce premier constat : « The imitators learned the wrong lessons, and instead of creating stories that treated their subject matter with intelligence and craft, which is a difficult matter requiring a great deal of skill, the knock-offs tried to recapture the things that were easy, like cussin’ and violence. They were exactly the same kind of escapist power fantasy that they were pretending to rise above, just wrapped up in cheap, meaningless exploitation and sold to the audience as something that wasn’t for little kids — which in itself is the most immature, teenage motivation something can possibly have. » (« What’s up With the 90s? », www.comicsalliance.com, 27 juillet 2012).

Cette analyse peut expliquer que certains se demandent si les aventures de superhéros n’étaient pas devenues trop violentes (« Sex & Violence », www.comicbookdaily.com, 9 décembre 2011). À notre avis, ce n’est pas la violence le problème. À cette époque, les aventures de Daredevil, de Frank Miller, avaient des représentations graphiques très violentes, mais cadraient très bien avec les ambiances recherchées. Notre principal reproche serait l’absence de recul face à cette violence. Si nous prenons la série télé 24, Jack Bauer avait le don de toujours torturer les criminels; nous n’avons pas de souvenir d’un innocent qui y ait été torturé. Nous avons davantage de malaise face à ce type de situation que la torture elle-même.

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