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Alan Moore

Le processus créatif est une conversation

Nous avons déjà fait mention qu’aujourd’hui tout a pratiquement déjà été raconté et dans ce contexte l’art ne naît pas du néant, l’écrivain, le peintre, le réalisateur, etc. crée son œuvre en communion avec son environnement. Dans ces circonstances, nous sommes admiratifs d’un cinéaste comme Quentin Tarantino qui ne craint d’exposer ses références.

Andrew Wheeler mentionne : « Star Wars was inspired by Flash Gordon. A Song of Ice and Fire owes a debt to The Lord of the Rings. Harry Potter offers an answer to The Chronicles of Narnia. Breaking Bad takes its lead from The Godfather. Jason Bourne took shape against James Bond.

Art exists in conversation with that which came before it, and that’s as true in comics as in any other narrative form. […]Everyone who tells stories or creates art is a critical thinker, responding to ideas with ideas of their own. There aren’t just two types of people. Makers are critics.» (« ‘If You Don’t Like It, Make Your Own’ Is a Terrible Argument, But A Great Idea », http://comicsalliance.com, September 2, 2015).

C’est pourquoi nous n’avons aucun complexe à présenter les références qui ont inspiré des passages ou même des aventures complètes.

Cependant, le plus troublant réside dans les emprunts involontaires, il est possible que nous ayons enregistré certains passages d’un film ou d’un roman sans que l’on s’en rappelle explicitement. Kate Willaert évoque ce phénomène :  « Being such a huge Jack Kirby fan, is it possible Alan Moore read this story at some point and simply forgot about it? Or for that matter, could “The Architects Of Fear” writer Meyer Dolinksy have read it?

A creator forgetting they encountered an idea elsewhere isn’t an uncommon phenomenon, especially in the music world. Paul McCartney has a famous story about how while writing “Yesterday,” he became paranoid that he might’ve accidentally nicked it from somewhere. After playing it for just about everyone he knew and no one saying they recognized it, he felt confident that it was completely original. » (« Did Watchmen Steal From The Outer Limits, Or From Jack Kirby? », http://www.comicsbeat.com, August 10, 2015).

Dans ces circonstances, il faut arrêter la course au plagiat. Il faut se décomplexer, admettre nos influences et les honorer. Le plagiat devrait se limiter aux copies grotesques et non aux emprunts sinon nous ne pourrons plus voir aucun film de Tarantino.

Jusqu’où pousser la description des personnages?

Nous sommes tombés sur cette critique du numéro 7 de la série Miracleman et ce passage nous a interpellés :

« Overall, the primary content of this issue is still quite excellent. Once again Cream is a confounding influence and the art does see a decline in quality, but the story is still very engaging and I’m honestly intrigued to see how Moran gets himself out of this mess. You see, Gargunza used the term “Abraxas” to turn Miracleman back into Moran. The word keeps him in his human state for an hour. He and Cream are then given a head start to run away from Miracledog before he is sicced on them. Cream hands Moran a gun before running off to be decapitated by Miracledog. The issue ends on a very human and very scared Moran confronted by the beast. I have no idea how he can save himself but I’m excited to find out. » (Micheal Brown, «Marvel’s Miracleman # 7: Enter Chuck Austen», comicbook.com, June 6, 2014)

Il y a un équilibre délicat à maintenir entre une définition complète d’un personnage et le maintien d’une aura de mystère qui laisse au lecteur une part d’interprétation à réaliser. Cette frontière est mince. Personnellement, nous ne cherchons pas à expliquer outre-mesure les choix psychologiques de nos personnages, mais nous ne souhaitons pas délaisser certaines actions concrètes qui ont été posées. Cette frontière est d’autant plus difficile à tracer que nous ne savons pas toujours où certaines actions vont mener. Par exemple, au départ, Fabien ne souhaitait pas dormir. Par la suite, nous avons vu que ses anciens collègues décédés apparaissaient dans ses cauchemars. Par après, il entendait des voix. Ces événements se sont greffés les uns aux autres sans qu’ils ne soient planifiés au départ. Cependant, ils ont pu culminer avec l’aventure « La guerre psychologique ». L’auteur peut être surpris de ses propres revirements, mais il ne devrait pas larguer le lecteur en chemin s’il avance certains événements.

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Les bandes dessinées américaines dans les années 1970

Beaucoup de gens portent un jugement sévère sur les auteurs américains des années 1970. Alain Moore était l’un des plus farouches critiques du début des années 1980 (Alan Moore’s Lost Stan Lee Essay, 1983, partie 2 de 2). Pour notre part, nous considérons le Silver Age de la bande dessinée comme une période où les différents éléments sont bien dosés. En effet, les dialogues n’étaient pas surabondamment explicatifs, les encadrés descriptifs offraient un autre niveau de lecture aux histoires et on n’avait pas sombré dans l’hyperpsychologisation des personnages. Voici une page du numéro 200 des Fantastic Four écrit par Marv Wolfman où l’on retrouve l’équilibre dont nous parlons.

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Les idées flottent dans l’air – Partie II

Une discussion a eu lieu sur le Web concernant les « emprunts » d’Alan Moore pour une aventure de Superman qui s’inspirerait de la série Superfolks  développée par Grant Morrison. Dans cette analyse, l’auteur avance l’idée qu’inconsciemment Alan Moore y aurait puisé les idées qui l’auraient marqué plusieurs années auparavant (« Alan Moore and Superfolks Part 2: The Case for the Defence », comcisbeat.com, 11 novembre 2012). Dans notre récit « Les meilleurs amis du monde », Benson commente le décès à venir de son père. Ce n’est que plusieurs mois après l’avoir écrit que nous nous sommes rappelé l’inspiration de cet échange. Il provient d’une nouvelle du recueil de Daniel Poliquin, Le Canon des Gobelins.

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Quel ton adopter

Corey Schroeder nous rappelle que : « Fast-forward to the 90s and you’ve got a new kind of Batman. Watchmen and The Dark Knight Returns have reinvented superheroes as real people with real flaws in the midst of stories that treat the audience’s intellect with maturity. » (« Are Superhero Comics Too Serious », www.comicvine.com, 14 septembre 2011). Chris Sims va plus loin que ce premier constat : « The imitators learned the wrong lessons, and instead of creating stories that treated their subject matter with intelligence and craft, which is a difficult matter requiring a great deal of skill, the knock-offs tried to recapture the things that were easy, like cussin’ and violence. They were exactly the same kind of escapist power fantasy that they were pretending to rise above, just wrapped up in cheap, meaningless exploitation and sold to the audience as something that wasn’t for little kids — which in itself is the most immature, teenage motivation something can possibly have. » (« What’s up With the 90s? », www.comicsalliance.com, 27 juillet 2012).

Cette analyse peut expliquer que certains se demandent si les aventures de superhéros n’étaient pas devenues trop violentes (« Sex & Violence », www.comicbookdaily.com, 9 décembre 2011). À notre avis, ce n’est pas la violence le problème. À cette époque, les aventures de Daredevil, de Frank Miller, avaient des représentations graphiques très violentes, mais cadraient très bien avec les ambiances recherchées. Notre principal reproche serait l’absence de recul face à cette violence. Si nous prenons la série télé 24, Jack Bauer avait le don de toujours torturer les criminels; nous n’avons pas de souvenir d’un innocent qui y ait été torturé. Nous avons davantage de malaise face à ce type de situation que la torture elle-même.

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Écriture et opinion politique (Partie I)

La sortie du dernier Batman (The Dark Knight Rises) a déclenché une vive polémique médiatique sur les intentions politiques de Christopher Nolan. Son Batman défendait-il des valeurs conservatrices? L’hystérie fut à son comble lorsque l’on fit une association entre le nom du méchant, Bane, et le nom de la société qu’avait fondée Mitt Romney (Baine Capital). Chuck Dixon, le cocréateur de Bane a dû faire une annonce publique pour réaffirmer sa foi conservatrice (Jozef Siroka, « Batman ne porterait pas le carré rouge », www.lapresse.ca, 24 juillet 2012).

Cette sortie en rappelait une autre, celle de Frank Miller qui avait dénoncé le mouvement Occupy dans des propos très durs. Une prise de position qui lui a été reprochée (Brent Chittenden, « Oh Frank Miller …Creators and Politics », www.comicbookdaily.com, 17 novembre 2011. « Watchmen Writer Alan Moore Set to Occupy Comics After Spat With Frank Miller », www.geeksofdoom, December 6th, 2011). Pourtant, comme le souligne Sara Lima, V for Vendetta demeure une excellente bande dessinée même si Alan Moore y revendique l’anarchie comme la meilleure forme de gouvernement (« Do Politics in Comics Alienate Readers? », www.comicvine.com, 6 octobre 2011).

Pour notre part, nous considérons qu’une œuvre artistique ne devrait jamais être écrasée par une métaphore politique ou sociale, ses personnages deviennent désincarnés et ont comme unique rôle d’être les porte-paroles de l’auteur. Si l’auteur veut passer un message politique ou social fort, autant écrire un essai.

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Alan Moore

Citer Alan Moore comme étant une influence est un cliché dans le domaine de la bande dessinée, car cet homme a laissé une emprunte visible sur la narration du comicbook. Nous avouons cependant ne pas avoir lu ses classiques : Watchmen et « V For Vendetta ». Cependant, nous avons lu les neuf premiers numéros de sa série Miracleman qui ont eu un réel impact sur la construction de nos récits. Nous pourrions discourir longuement sur le sujet, mais nous préférons reproduire ce court extrait de la critique des premiers numéros en français de cette série que le lecteur peut retrouver sur le site www.sceneario.com : « Moore adopte une écriture tout en finesse, jouant avec les monologues, les pensées, les voix off, etc., il emmène le lecteur vers un univers très réaliste, noir et désenchanté… Que sont devenus ces héros de notre enfance? »

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