Suppléments
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La continuité n’empâche pas les transformations des personnages
Dans un commentaire précédent, traitant de la notion de continuité, nous citions un analyste qui souligne que les personnages principaux avaient souvent muté au point d’être méconnaissables. Scott VanderPloeg mentionnait à cet effet : « Batman can be a dark and gritty character, but can also be fun and light » (« What Happened? », www.comicbookdaily.com, 11 janvier 2012). Ce phénomène peut tenir au fait que les tendances sociales de l’époque devaient s’insérer progressivement dans le cours des histoires. Par contre, ce qui est plus déstabilisant, ce sont les brusques revirements de personnalité dus, le plus souvent, à une nouvelle équipe à la rédaction.
À ce sujet, plusieurs dénoncent que la continuité ne réside pas entièrement dans l’aventure en soi, mais dans l’équipe de rédaction. Graeme McMillan soulignait que « Better continuity developing through the line » (« Is Continuity Really a Draw for Superhero Universes? », www.newsarama.com, 26 juillet 2012). Ed Brubaker confia en entrevue qu’il était nostalgique de l’époque où un auteur et un dessinateur pouvaient collaborer sur des dizaines de numéros et ainsi avoir la latitude de développer des univers plus denses. (CR Sunday Interview: Ed Brubaker, www.comicsreporter.com, 24 juin 2012).
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La continuité comme concept narratif théorique
Nous avons déjà mentionné dans nos dogmes la volonté de créer une continuité temporelle afin d’avoir une structure narrative pour soutenir la crédibilité de nos aventures. Le redémarrage des séries DC par la stratégie « New 52 » a donné lieu à des réflexions intéressantes sur différents blogues.
Graeme McMillan indique : « I really like the idea of continuity – that ongoing, collective narrative that can inform storytelling […] that ongoing, collective historical narrative that can inform storytelling » (« How Important is Continuity to You? », www.newsarama.com, 21 juin 2012).
Anthony Falcone, sur le même sujet, précise : « He [Kurt Busiek] also pointed out that even though Marvel has not had an official relaunch they basically are on their 4th era of comic books. Indeed for anyone only familiar with 1960s Marvel Universe many of the characters would be unrecognizable compared to their decade-of-love counterparts. ». Il tend à indiquer qu’un cycle cohérent d’aventures aurait une vingtaine d’années. Dépassait ce délai, les histoires perdraient une bonne partie de leur vraisemblance.
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Ne pas perdre de vue les illustrateurs
Anthony Falcone se désolait que la montée en popularité des scénaristes semblait se faire au détriment des illustrateurs (« Artistes and Writers », www.comicbookdaily.com, 5 juin 2012). Nous sommes d’accord avec lui. Un auteur de bande dessinée n’est pas grand-chose s’il n’a pas un bon dessinateur pour traduire les ambiances qu’il souhaite créer dans ces histoires. Daniel Champion souligne une vérité simple au sujet de l’écriture d’une bande dessinée : « Use words AND picture to make a different statement, don’t use both to cover the same ground. » (« Writing for Comics », www.comicbookdaily.com, 18 juillet 2012). Matt Fraction mentionne que : « Comics are about that interplay, comics need that interplay to truly become more than the sum of its part » (Jeffery Klaehn, « Matt Fraction Interview », jefferyklaehn.blogspot.ca, 19 octobre 2011).
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Encore Englehart et toujours Englehart
En analysant les volumes 4 et 5 des Essential Avengers, un critique écrivait : « in the big category, you get to watch the creators – particularly [Steve] Englehart – work out how modern comics were to be written, both the way that events took place in subplots that built to the next major crisis with one or two stories in between them… » (« CR Review: Essential Avengers, Vols. 4-5 », www.comicsreporter.com, 4 juin 2012). À une autre époque, nous avions déjà mentionné notre admiration pour le travail d’Englehart, car nous considérions que les aventures étaient constamment en progression et non pas entravées dans de profondes réflexions psychologiques ou dans des doutes existentiels.
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Le caractère crédible du récit
Il y a quelque temps dans un de nos billets, nous demandions ce qu’était une histoire divertissante. Les personnages y sont sûrement pour quelque chose. À ce sujet, Mandy Newell cherche à comprendre ce qui fait qu’un personnage en est un bon. Reprenant les propos de Lawrence Block, elle identifie trois dimensions : plausible, sympathique et original (« Character », www.comicmix.com, 12 mars 2012). Newell s’attarde au terme « sympathique ». Pour notre part, nous accrochons plutôt sur le terme plausible et lui préférons l’adjectif « crédible ».
Pour essayer de cerner ce dernier, citons l’analyse de Jozef Siroka au sujet du film Warrior. Siroka Indique : « À l’instar de Spike Lee, O’Connor n’exploite jamais les thèmes sociaux en question à des fins de ponctuations émotionnelles faciles ou de revendications populistes. Son message s’articule plutôt autour de personnages crédibles, nuancés et attachants, en proie à des problèmes quotidiens auxquels la plupart d’entre nous peuvent s’identifier. » (« Warrior: noble retour à l’état primitif », www.lapresse.com, 31 janvier 2012)
Mais certains pourraient répliquer que d’affronter des monstres, des robots ou des tueurs sanguinaires ne ressemble en rien à des problèmes quotidiens. En effet, c’est pourquoi nous préférons utiliser le terme « crédible » plutôt que « plausible ». La crédibilité demande au lecteur d’accepter les conventions imposées par l’univers exploré. Le Seigneur des anneaux n’est pas plausible, mais la cohérence de l’univers créé par Tolkien le rend crédible, et le lecteur peut connecter avec les émotions vécues par les personnages.
